LE REGARD DU LYNX

       À PROPOS DES PHOTOGRAPHIES DE CHARLES BILLOT

Dans la mythologie grecque l'argonaute Lyncee possédait la réputation de détenir un pouvoir exorbitant. Ses yeux perçaient les secrets des fonds marins, traversaient les murailles, les rochers et les nuages noirs du ciel. Dans l'imagerie populaire moderne c'est le lynx qui a repris ses pouvoirs mais c'est Charles Billot qui en fait le mieux l'usage en créant et recréant la réalité.

 

Nous, pauvres aveugles, ne voyons que l'apparence des choses quand Charles Billot en voit l'au-delà. Des draps en boule ? Non. Une chorégraphie de corps enchevêtrés. Un abat-jour ? Absolument pas mais une montgolfière. Un building pensez vous ? L’œil du lynx y verra plus sûrement un aéronef.

Que ce soit dans un détail architectural, une ombre portée, un tissu froissé, une chevelure emportée par le vent, ce n’est pas la qualité technique du travail de l’image que Charles Billot maîtrise magistralement qui nous surprend le plus mais bien la curieuse et inventive poésie de ses photographies que seul l’œil du photographe a détectée et qui nous trouble et nous cueille là où nous nous y attendons le moins.Nul besoin de mise en scène mais des cadrages serrés qui transforment et donnent une nouvelle perspective à la forme,

Créer c'est à dire voir ce que les autres ne voient pas représente la forme la plus aboutie de l'utopie, le plaisir aristocratique de contredire, le privilège d'être seul contre tous, la joie de provoquer. Tel est le travail de Charles Billot.

JPE